À M. Roch Olivier-Maistre et aux membres du collège de l’ARCOM
Le 7 juillet, nous avons été nombreuses et nombreux à exprimer notre soulagement de voir le Rassemblement national, régulièrement annoncé grand gagnant des législatives anticipées, échouer à obtenir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale. Pour autant, le péril demeure : le parti d’extrême droite poursuit sa progression, avec plus de 10 millions de voix et plus de cinquante élu·es supplémentaires, et il accentue son enracinement social. Pour arriver aux portes du pouvoir, le RN a notamment bénéficié du soutien indéfectible d’un empire médiatique : celui de Vincent Bolloré. Lors de la campagne législative, les chaînes possédées par le milliardaire, C8 et CNews, ainsi que leurs animateurs et animatrices vedettes ont soutenu le RN au mépris de la légalité et de l’éthique, laissant libre cours aux idées réactionnaires et racistes de l’extrême droite.
Selon ses statuts, l’Arcom, autorité de régulation des médias, veille au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion par les éditeurs de services audiovisuels et à la représentation de la diversité de la société française ; elle veille également au respect des droits des femmes, et à la lutte contre les discriminations de toutes natures. Alors que se déroule une série d’auditions pour l’attribution ou le renouvellement de 15 fréquences TNT, nous demandons solennellement à l’Arcom, au nom des principes énoncés dans ses statuts, de refuser de renouveler les fréquences publiques des chaînes C8 et CNews.
Il ne s’agit nullement d’attenter à la liberté d’expression mais de faire seulement respecter la loi.
Il ne s’agit nullement d’attenter à la liberté d’expression mais de faire seulement respecter la loi dans cet espace si particulier qu’est la TNT, soumis à une réglementation spécifique parce qu’il constitue le principal espace public où se construisent les termes et les thèmes de notre discussion collective et démocratique.
Les chaînes du groupe Bolloré vont systématiquement à l’encontre du respect du pluralisme, de la représentation de la diversité de la société française ; elles véhiculent régulièrement des discours discriminatoires et de haine à l’encontre de nombre de nos concitoyen·nes, et sont des adversaires farouches des droits des femmes et des minorités de genre.
Plus d’une quarantaine de sanctions financières ont été engagées par le CSA et l’Arcom contre ces chaînes pour incitation à la haine, propos discriminatoires, sexistes, humiliations, fausses nouvelles, non respect du pluralisme, non respect de la vie privée (44 entre décembre 2012 et mai 2024). Les dernières en date : deux amendes de 60 000 et 20 000 € notamment pour l’absence de réactions des présentateurs de CNews face à des invités qui déclaraient que «l’immigration tue» ou à des propos complotistes sur l’écologie.
Force est de constater que ces sanctions ne suffisent pas : elles sont indolores à l’échelle du groupe de Vincent Bolloré. Son propriétaire ne se considère pas tenu par les règles qui régissent le débat médiatique. Jusqu’à quand tolérer une telle impunité ?
Sur le même sujet : Le pluralisme des médias, cible de l’extrême droite
Pendant les trois semaines de la campagne législative, l’empire de Vincent Bolloré a imposé à Europe 1 une émission sur mesure pour l’animateur star de C8, Cyril Hanouna. Selon une enquête du Monde, sur quinze heures de direct, la gauche est quasiment absente, l’extrême droite omniprésente. Un tiers du temps de parole de l’animateur a été consacré à stigmatiser le Nouveau Front populaire, alors que le RN était épargné. Des dizaines de minutes ont été supprimées des rediffusions de l’émission, contenant des « accusations politiques et personnelles pouvant exposer Europe 1 et Cyril Hanouna à des poursuites judiciaires ».
À quelques heures de la fin de la campagne de l’entre-deux tours le Journal du Dimanche, contrôlé lui aussi par Vincent Bolloré, a publié une fausse information relative à une prétendue suspension de la loi immigration adoptée en janvier 2024. Fausse information immédiatement relayée par le président du Rassemblement national.
Le Monde a également montré comment Vincent Bolloré s’impliquait personnellement sur le plan politique, organisant le ralliement d’Éric Ciotti à Jordan Bardella ainsi que l’accompagnement médiatique de cette alliance des droites extrêmes. Déjà dans les mois qui avaient précédé l’élection présidentielle de 2022, CNews avait servi de rampe de lancement pour la candidature d’Éric Zemmour.
L’Arcom doit désormais réagir avec force au risque de voir son action décrédibilisée aux yeux de toutes et tous : le non-renouvellement des fréquences publiques de CNews et C8 s’impose.
Une pétition soutenant cette demande vous a été adressée : elle rassemble, à ce jour, plus de 200 000 signataires. Une telle décision serait une première étape dans la lutte nécessaire contre l’emprise de l’extrême droite sur le débat médiatique en France, et plus généralement, pour faire reculer les idées réactionnaires et racistes sur lesquelles le RN prospère.
Signataires :
- Acrimed
- NousToutes
- Pablo Aiquel, secrétaire général du SNJ CGT
- Ana Azaria, présidente de Femmes Égalité
- Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT
- François Bonnet, président du Fonds pour une presse libre
- Julia Cagé, économiste, spécialiste des médias
- Marie Cohuet et Laura Thieblemont co-présidentes des Amis de la Terre
- Sandra Cossart, directrice de Sherpa
- Caroline De Haas, militante féministe
- Cécile Duflot, Directrice générale d’Oxfam
- Loup Espargilière, rédacteur en chef de Vert
- Antoine Gatet, président de France Nature Environnement
- Murielle Guilbert et Julie Ferrua, co-déléguées de l’Union Syndicale Solidaires
- Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace
- Emilie Marmant, Secrétaire nationale de l’Union Sud Culture & Médias
- Eva Morel, co-fondatrice de QuotaClimat
- Edwy Plenel, co-fondateur de Mediapart
- Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature
- Agnès Rousseaux, directrice de Politis
- Suzy Rojtman, porte-parole du CNDF
- Benoît Teste, secrétaire général de la FSU
- Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac