Alors que les fonctionnaires et les agents publics ont été très nombreux et nombreuses à se mobiliser le 5 décembre dernier, le Premier ministre persiste et signe sur la plupart des projets préparés par ses prédécesseurs. S’il recule sur l’imposition de deux jours de carence supplémentaires, il a décidé de punir les fonctionnaires malades en baissant de 10% le taux de remplacement de la rémunération pendant les arrêts maladie. Il a confirmé que 2,2 milliards de coupes budgétaires vont être imposés aux collectivités territoriales. Il entend mettre en œuvre une austérité budgédaire dans tous les services publics, poursuivre la dégradation des hôpitaux, accompagner et soutenir les plans sociaux qui s’accumulent gravement dans l’industrie…
FRANÇOIS BAYROU, DANS LA DROITE LIGNE DE SON PRÉDÉCESSEUR, ENTEND ENGAGER « UN PUISSANT MOUVEMENT DE DÉBUREAUCRATISATION »
Tout en dressant des louanges aux agents publics, tout comme son nouveau ministre de la Fonction publique, Laurent Marcangeli, qui a dit aux agents public·ques : « Je crois en vous, je vous aime », Bayrou, à cette heure, n’a pas remis en cause la politique d’austérité contre les services publics qui nous plombe depuis des années. Bien au contraire ! « Débureaucratiser » : c’est le langage de ceux et celles qui veulent « dégraisser » la fonction publique en reprenant un vocabulaire populiste et négatif. C’est le langage utilisé par Trump et Musk outre-Atlantique pour stopper le recrutement des fonctionnaires fédéraux et liquider plusieurs agences gouvernementales dont les travaux vont à l’encontre de leurs objectifs politiques. C’est le langage qui prépare les plans sociaux.
Salaires, retraites et traitements
Le maintien du gel du point d’indice est de plus en plus insupportable. En plus de ça, la majorité des sénateurs, bien installés dans des fauteuils confortables, viennent de décider de nous voler 7 heures supplémentaires en nous supprimant un jour férié. Cette mesure n’est pas encore actée. Nous en exigeons la suppression immédiate ! Nous exigeons également le rétablissement de la GIPA, injustement supprimée par le Premier ministre. Le point d’indice à 6 euros tout de suite, maintenant, c’est une mesure de justice sociale ! Nous exigeons le retour à la retraite à taux plein à 60 ans avec un départ anticipé pour les métiers pénibles et insalubres. Cela passe par l’abrogation sans condition de la réforme Macron Borne qui nous impose deux ans de travail supplémentaires. Cela passe par le maintien et le renforcement de la CNRACL notamment en augmentant le nombre de ses cotisants. Augmentation du temps de travail, vol des congés, gel du point d’indice, recul de l’âge légal pour prendre sa retraite, ça suffit!
Mais où passe l’argent détourné des services publics et extorqué — légalement, cela va sans dire — aux salariés?
Réponse : 148 milliards de bénéfices pour les entreprises du CAC 40 en 2023; 75 milliards d’euros par an d’exonérations de cotisations patronales (ils appellent cela des charges !) ; une croissance régulière des externalisations publiques pour un montant total de 160 milliards d’euros en 2021… Et les patrons arrivent à se plaindre !
Finances des collectivités
Le projet de loi de Finances prévu par le 1er ministre Barnier, qui a été censuré par le parlement, préconisait la suppression de 5 milliards d’euros de subventions pour les 450 plus grosses collectivités. Aussitôt, de très nombreuses collectivités ont présenté des plans violents de coupes budgétaires : liquidation de la culture au Conseil Régional des Pays de la Loire, suppression de 500 postes au Conseil départemental de la Haute-Garonne, annonces multiples de suppression de services, de postes, qui ont provoqué des mobilisations importantes des agents et des usagers. Bayrou a indiqué que l’on passerait à présent à 2,2 milliards de coupes au lieu de 5 milliards. Cela dit, les plans d’austérité engagés à la suite de la présentation du PLF en décembre dernier n’ont pas été modifiés ! Ils étaient prévus depuis longtemps, cela ne fait aucun doute. Il fallait attendre le moment opportun ! On assiste à une véritable cohabitation entre les élus de certaines collectivités et les gouvernements austéritaires. Tous ne jurent que par les « délégations de service public », les suppressions de postes, les économies sur la masse salariale du personnel. Tous ont voulu rédiger en commun, mettre en œuvre, la loi dite de transformation de la fonction publique.
Attractivité
Les employeurs locaux, les ministres… Tous disent que la fonction publique territoriale manque d’attractivité… tout en sapant ses fondements ! Qu’ils commencent déjà par augmenter nos salaires, par ouvrir des postes au lieu de les supprimer, par garantir une progression de carrière, par en finir avec le management autoritaire… et ils l’auront l’attractivité ! De trop nombreux employeurs locaux s’accordent des droits à déroger, à déréglementer, que ne se permettraient pas les patrons du privé ! Un management technocratique, brutal, inhumain se met progressivement en place dans les collectivités : le personnel devient une « charge » pour les privatiseurs, là où il est un atout et un gage de qualité pour ceux et celles qui veulent faire vivre les services publics. Le projet de Loi Guerini (dont les syndicats n’ont toujours pas reçu l’ensemble du contenu), officiellement resté dans un tiroir, s’applique en douce : individualisation fondée sur la prétendue reconnaissance du mérite, fonction publique de métier à la place du droit à la carrière des agents, facilitation des licenciements.
Montée de la précarité dans la fonction publique
Mise en place dans certains centres de gestion de « contrats de renforts », c’est-à-dire d’intérim territorial. Multiplication des recrutements d’agents contractuels, dont on constate qu’ils sont les premiers à être virés en cas de « réorganisation» des services. Une collectivité qui vient de privatiser son service de nettoyage des écoles a remplacé les contractuels affectés depuis des années à cette mission, par des travailleurs précaires en réinsertion! Dans les Centres de gestion, nous constatons une tendance à transformer les Conseils médicaux en instances de licenciement express des fonctionnaires. Chaque année, dans toute la France, des milliers d’agents sont ainsi « dégagés », placés en retraite pour invalidité sans aucune proposition de reclassement. Un véritable plan social qui doit cesser! Dernier avatar de cette politique néfaste : Bayrou, qui va poursuivre la multiplication des Maisons France Services, préconise de remplacer les agents — souvent précaires — qui y travaillent par de l’Intelligence artificielle ! Une fois de plus, les nouvelles technologies, qui pourraient permettre une amélioration considérable du service public et des conditions de travail, sont utilisées pour accompagner la régression sociale. Au lieu d’entendre nos revendications, à même de répondre aux attentes et besoins des usagers autant qu’à celles des fonctionnaires et agents publics, depuis des années, les pouvoirs publics détricotent, démantèlent, privatisent les services publics.
COMMENT NE PAS ÊTRE EN COLÈRE FACE À UNE TELLE OFFENSIVE CONTRE LES SERVICES PUBLICS ET CELLES ET CEUX CHARGÉ·ES DE LES METTRE EN ŒUVRE AU QUOTIDIEN?
Il ne peut pas y avoir de service public sans agents publics formés, forts de leurs garanties statutaires individuelles et collectives ! La société voulue par Macron et sa politique, c’est le clientélisme généralisé, le refus de la solidarité entre les générations, la concurrence entre les individus : tu payes ou tu crèves ! A contrario de cette politique rétrograde, ce que nous voulons est très simple : du respect, des salaires calculés sur la base d’un point d’indice à 6 euros, le droit de partir à la retraite à 60 ans, des effectifs suffisants pour répondre avec dignité aux besoins sociaux, culturels, éducatifs, de santé, de protection de nos usagers et usagères.
La fédération CGT des Services publics vient d’éditer des « cahiers d’expression et de revendications » dans le cadre de l’organisation d’États généraux des services publics territoriaux (EGSPT). Nous voulons donner la parole aux agents, à nos collègues, définir ensemble les revendications du service, de la direction, de la collectivité, porter ces revendications et travailler à établir si nécessaire le rapport de force local et national pour en obtenir satisfaction.